Chapitre 11

— C’est moi qui suis chargé de l’affaire du tueur des parkings dans le Minnesota, nous expliqua Nick en touillant nerveusement son café avant de le poser sur la table basse devant lui.

— Le tueur des parkings ?

— Ce type qui saute sur les femmes quand elles se garent devant chez elles, qui les étrangle et les balance nues sur des parkings publics.

— Ah ! Ce tueur des parkings là !

C’était gênant à avouer, mais je ne regardais jamais les infos à la télé et je ne lisais pas le journal. Je ne le faisais déjà pas avant ma mort et rien n’avait changé après.

J’avais seulement feuilleté les avis de naissance lorsque le Thon avait atteint les huit mois de grossesse. Depuis que Jon était né, je ne m’en donnais même plus la peine.

Sérieusement : pourquoi est-ce que j’irais m’embêter avec ça ? On y racontait rarement des nouvelles joyeuses. Même dans le Minnesota qui avait pourtant l’un des taux de criminalité les plus faibles, les journalistes préféraient parler des mauvais côtés de la société. Et seulement des mauvais. Si je voulais déprimer, autant lire un bouquin à faire pleurer dans les chaumières.

Je ne faisais même plus attention à la météo. Et pour rien au monde, je ne regarderais la télévision. Moi, j’étais une adepte du DVD.

Tandis que Nick paraissait effaré que je puisse vivre dans une ignorance totale alors que le tueur en série vivait dans le même État que moi et que tous les médias possibles et imaginables – n’était-ce pas toujours le cas ? – en parlaient, Jessica se contentait de hocher la tête. Mon rejet pur et simple de l’actualité n’avait rien de nouveau pour elle.

— Oui, j’ai lu un article à son propos.

— Qui aurait pu passer à côté ? bluffai-je.

Ils choisirent de ne pas m’écouter : je ne méritais pas mieux.

— Alors comme ça, tu es chargé de l’affaire ? s’enquit Jessica.

— C’est ça.

— Tu dois attraper un tueur en série ?

— C’est ça.

Elle tenta de se maîtriser, pourtant, un éclat de rire lui échappa. Je savais parfaitement pourquoi elle réagissait de cette façon : de quoi avions-nous parlé quelques minutes auparavant ? C’en était presque ridicule.

Perplexe, Nick cligna des yeux. Il semblait sur le point de demander à Jessica quel était son problème, au juste. Peu importait le fait qu’elle fût la personne la plus riche de l’État.

— Il est tard, intervins-je. Elle est fatiguée. On l’est tous. Longue journée.

— Euh… Oui, fit-il en jetant un coup d’œil à sa montre. Il est déjà 22 heures passées.

— Je suis vraiment désolée ! s’exclama Jessica. Je ne me moquais pas de toi. Ni de ces pauvres femmes, d’ailleurs.

— Bien sûr que non, mentit Nick. Je n’en ai pas douté une seule seconde. (Il reporta son attention vers moi.) Bref. Betsy, excuse-moi d’être passé si tard, mais comme je sais que tu as des heures un peu décalées ces derniers temps, j’ai tenté ma chance.

— Vous serez toujours le bienvenu, inspecteur, dit Sinclair sur le pas de la porte.

Nick, qui était sur le point de soulever sa tasse, renversa son café. Très légèrement… mais assez pour abîmer le Vogue du mois dernier. Je ne pouvais pas lui en vouloir : Sinclair faisait autant de bruit qu’un chat mort.

— Mon Dieu ! Vous m’avez fait peur ! Et ce n’est pas quelque chose que les gros bonnets de la police de Minneapolis aiment admettre, plaisanta-t-il.

Il essayait vainement de dissimuler le fait que les battements de son cœur étaient passés de « ba-DUMP ba-DUMP » à « BADUMP BADUMP BADUMP BADUMP » !

— Veuillez m’excuser. Vous êtes bien Nicholas Berry, n’est-ce pas ?

— Nick, c’est ça.

Jessica m’adressa un regard moqueur tandis qu’ils se serraient la main et se toisaient mutuellement. Nick avait la carrure d’un nageur : tout en longueur, mince avec de grands pieds. Ses cheveux étaient dorés par le soleil – il aimait mettre de l’argent de côté pour aller faire de la plongée aux îles Caïman – et il avait d’adorables petites rides aux coins des yeux lorsqu’il souriait.

Sinclair était plus carré et plus grand, sans oublier beaucoup plus âgé que lui, mais Nick portait une arme et avait l’avantage de la jeunesse de son côté. En cas de duel, chacun avait ses chances.

Le problème avec ces présentations et ces « comment allez-vous ? », c’est qu’ils s’étaient déjà rencontrés. En fait, Nick était venu me trouver juste après ma transformation en vampire. Dans un moment d’extrême faiblesse, je m’étais retrouvée – presque – nue devant lui et je l’avais rendu fou, en quelque sorte.

Alors, Sinclair avait dû intervenir et se servir de ses pouvoirs vampiriques pour rétablir l’ordre des choses. Autrement dit, effacer de la mémoire de Nick tous les événements qui s’étaient déroulés depuis cette nuit-là : ma mort, le fait que nous nous étions vus – presque – nus et qu’il était devenu une véritable épave lorsque j’avais refusé de me nourrir de son sang une deuxième fois. Tout.

Le hic – enfin, l’un d’eux –, c’était que Nick continuait à apparaître dans ma vie aux moments les plus incongrus. Tina pensait qu’il se rappelait davantage qu’il ne voulait bien l’admettre. Personnellement, je ne savais pas sur quel pied danser. De toute façon, on ne pouvait pas se permettre de lui poser directement la question.

Alors, on resta poliment assis en faisant comme si de rien n’était, sans savoir qui jouait ou non la comédie. D’habitude, Sinclair et Tina pouvaient repérer un mensonge à des kilomètres, mais Nick était flic : mentir était son boulot.

— Je suis le fiancé de Betsy, Éric Sinclair, se présenta Sinclair.

— Oh ! fit Nick d’un air totalement dénué d’enthousiasme.

Quand Jessica m’adressa un regard provocateur, je faillis me jeter mon propre thé au visage. Au moins, ce problème-là serait bien réel.

— Le mariage aura lieu le 4 juillet.

— Le 15 septembre, le corrigeai-je rapidement.

— Comme je le disais, continua Sinclair sans ciller, nous nous marions le 15 septembre. Nous espérons que vous pourrez vous joindre à nous.

— Euh, merci. Je… merci. (Il baissa la tête pour contempler ses mains avant de reporter son attention vers moi.) Bref. Je ne t’ai pas encore dit la raison pour laquelle je suis passé : le tueur… il cible les filles dans ton genre.

— Vraiment ? m’exclamai-je d’un air plus que dégoûté.

Un genre ? Quelle horreur !

— De grandes blondes, dit Sinclair, avec des yeux bleus ou verts.

Voyant nos mines effarées, il s’expliqua :

— Certaines personnes lisent le journal…

— Les grandes blondes ne sont pas rares dans le Minnesota, ajouta Nick. D’ailleurs, il s’agit peut-être d’une coïncidence de type géographique, mais tout de même…

— Qu’en dit le VICAP[1] ? s’enquit Sinclair.

Nick haussa les épaules.

— Les fédéraux n’arriveront pas à l’attraper. Aucune des données qu’ils ont entrées dans leurs ordinateurs n’a apporté le moindre résultat. Non, ce type sera arrêté par de bons vieux flics de chez nous.

Pour ma part, j’espérais que ce Vicap, qui qu’il soit, n’entendrait pas Nick descendre le FBI en flèche. Après tout, c’était leur boulot, non ? d’attraper des psychopathes ? Je ne remettais pas en doute les capacités de Nick… Cependant, j’étais rassurée de savoir qu’il n’était pas seul sur l’affaire. En réalité, j’étais surtout folle de joie de ne pas être personnellement impliquée.

— Je voulais simplement te mettre en garde, pour que tu surveilles tes fesses, dit Nick.

Oups, c’était à moi qu’il s’adressait. Il était temps de revenir sur terre.

— Ne sors pas de ta voiture tant que tu n’as pas trouvé toutes tes clés. Ne t’attarde pas dehors quand tu vas chercher ton courrier ou autre. Vérifie toujours qu’il n’y a personne devant chez toi. Regarde bien derrière les haies en te garant. Ce type, je suis sûr qu’il les attaque quand elles sont distraites. Elles n’ont même pas le temps de klaxonner. Il y avait pratiquement toujours quelqu’un qui les attendait chez elles. Alors reste sur tes gardes et fais bien attention.

— Bien reçu, Nick, répondis-je sagement.

Évidemment, même si elles partaient d’un bon sentiment, ses recommandations frôlaient le ridicule. Je n’avais absolument rien à craindre d’un tueur en série. Toutefois, c’était adorable de sa part de s’être déplacé pour me mettre en garde.

Sauf si, bien sûr, il cherchait à nous faire réagir parce qu’il connaissait la vérité…

Non, non et non ! Cette façon de voir les choses appartenait à Sinclair. Il considérait le monde comme une grosse outre remplie de méchanceté prête à se déverser sur lui à chaque instant. Pour ma part, je m’étais juré que, même si je vivais des millions d’années, je ne verrais jamais uniquement le mauvais côté des gens. Du moins, j’essaierais.

— Vous avez des pistes ?

— Ça reste entre nous ?

— Nous et le Pioneer Press !

Ma blague pourrie ne lui arracha même pas un sourire.

— On n’a que dalle ! Aucun témoin, personne qui promenait son chien à la même heure… Cette crevure a vraiment beaucoup de chance.

— Vous l’aurez, lui assurai-je sur un ton que je voulais encourageant.

Ah ! les flics !

— Bien sûr, sauf s’il passe à autre chose… Mais pour ça, il faut qu’il commette une erreur. (Ses rides se creusèrent davantage tandis que son regard se posait sur le magazine taché.) Et pour qu’il fasse une erreur…

— Vous l’aurez, répétai-je. En tout cas, merci beaucoup d’être passé. C’est vraiment gentil de ta part. Je te promets d’être prudente.

— Oui, renchérit Sinclair en avançant vers la porte, indiquant clairement qu’il était temps pour Nick de partir. (Quel tact !) C’est très gentil à vous d’être passé pour mettre en garde ma fiancée. Vous pouvez me faire confiance : je la surveillerai de près.

Dans la bouche de n’importe qui d’autre, les mots auraient paru attentionnés et aimants. Dans celle de Sinclair, ils ressemblaient à une menace. Voilà qui était suffisamment louche pour que Nick lui adresse le regard du flic à qui on ne la fait pas.

Il se leva – à contrecœur, si vous voulez mon avis – et lui demanda :

— Vous venez d’emménager dans le coin, M. Sinclair ?

— Pas du tout, répondit Éric.

Je remarquai qu’il ne lui demanda pas de l’appeler par son prénom. En même temps, il n’y avait que mes colocs qui se le permettaient.

— Je vis ici depuis très longtemps.

— Oh ! OK ! Souviens-toi de ce que je t’ai dit, Betsy.

— Ne t’en fais pas, Nick. Merci encore de t’être déplacé.

— Jess, tu veux bien me raccompagner ?

Malgré sa surprise, elle se mit debout d’un bond.

— Bien sûr ! Comme ça, tu pourras vérifier qu’il n’y a personne dans l’allée.

— Je l’ai déjà fait, avoua-t-il en me souriant, quand je suis arrivé.

Vampire et Irrécuperable
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